Estimé aujourd’hui à 6000 milliards de dollars, le marché mondial de l’investissement alternatif pourrait atteindre 17 000 milliards de dollars d’ici 2025.
Pour les acteurs de l’asset management, cette évolution de la structuration de leur portefeuille implique d’adapter en conséquence une dimension désormais clé de leur activité : la gestion de la donnée. Confrontés à de multiples défis, les acteurs de toute taille n’ont pas d’autre choix que d’accélérer leur processus de digitalisation.
Les données de l’investissement alternatif
La tendance ne cesse de s’affirmer. Un nombre croissant d’investisseurs sont séduits par une alternative au marché côté, aujourd’hui caractérisé tant par sa volatilité, sa faible prévisibilité que le bas niveau de ses taux d’intérêts. Capital-investissement, dette privée, immobilier, fonds de couverture et ressources naturelles… Sur toutes les classes d’actifs, le marché de l’investissement alternatif explose. Une évolution majeure qui a une implication directe sur les données collectées.
Concrètement, de quoi parle-t-on ici ? Principalement deux catégories sont concernées :
- Les données statiques d’une part, c’est-à-dire celles liées aux sociétés de gestion, aux fonds levés et à leurs caractéristiques (stratégie d’investissement, dimensionnement, typologies des parts, etc.), aux investisseurs (identification, processus de KYC, données de domiciliation fiscales) et aux deals ainsi qu’aux sociétés/fonds en portefeuille.
- Et d’autre part, on trouve les données transactionnelles : essentiellement les données liées aux investissements que ce soit directs ou de type fonds de fonds (souscription, appel, distribution, rachat en secondaire…), et celles portant sur le passif des fonds gérés (montant des engagements, appels de fonds, valorisation des investissements, etc.), le front office (liées à la due diligence) ou le back office (essentiellement comptables).
Les besoins diffèrent selon les acteurs. Quand les General Partners (GP) doivent gérer l’ensemble de ces informations Front to Back, les Limited Partners (LP) se concentrent sur les données de portefeuille et de transparisation. Quant aux assets serviciers, si leurs besoins dépendent du mandat donné par chaque société de gestion, leur attention se porte plus particulièrement sur les données Middle-Office et Transfer Agent.
Reste que pour tous, la qualité de la donnée constitue un enjeu clé. C’est d’elle dont dépend la capacité à reporter des informations fiables, à piloter efficacement ou encore à réaliser les reportings exigés par les différentes réglementations. De plus, elle ouvre la possibilité d’automatiser des processus répétitifs avec, à la clé, l’opportunité de gagner un temps précieux pour se concentrer sur l’analyse et l’identification des opportunités d’investissement.
Autres dimensions décisives, au cœur de toute transaction financière : la sécurité des informations bien sûr, mais également, le besoin de transparisation – la recherche d’informations au sein du portefeuille d’investissement afin de reporter l’actif réel aux investisseurs et d’identifier des insights.
L’émergence de nouvelles attentes… auxquelles répondre
Sont donc ici concernées les informations financières, mais également des données qui occupent une place toujours plus importante dans l’investissement alternatif : les données extra-financières de type ESG. Difficilement disponibles, les données des entreprises non-cotées requièrent un travail spécifique de collecte, de stockage et de traitement des données, soit un système d’information et des processus adaptés. Un processus de due diligence particulier sera, par exemple, nécessaire pour vérifier qu’une entreprise ou un immeuble visé par un investissement est bien engagé dans une stratégie ESG.
Autre réalité à intégrer : si l’investissement alternatif a finalement très bien résisté à la crise Covid, celle-ci a impacté le secteur à plusieurs niveaux. Une tendance nette tient en l’accélération du processus de digitalisation, qui a poussé GP, LP comme administrateurs de fonds à se doter, a minima, d’un CRM pour recueillir et partager les informations, travailler à distance sur des processus tels que la due diligence.
Un autre chantier directement lié concerne la sécurité des données et la gestion digitale de la politique KYC (pièces d’identité, documents confidentielles), dans le respect des contraintes RGPD. Et parallèlement, la crise sanitaire a provoqué la réorientation des investissements alternatifs vers de nouveaux domaines porteurs : santé, technologique et alimentaire.
Dans la continuité, les exigences des investisseurs ont évolué : davantage digitalisés, acteurs institutionnels exigeants, Family Offices, émergence de plus en plus d’investisseurs de type personnes physiques…
Ces investisseurs sont désormais en quête d’une donnée optimisée, la plus actualisée/rapide possible, avec la possibilité de pouvoir orienter leur stratégie et définir le risque associé à chaque investissement. L’optimisation de la donnée s’affirme dès lors comme un levier décisif – également – pour améliorer la relation Investisseurs.
Investissement alternatif : des contraintes réglementaires toujours plus complexes
De fait, l’investissement alternatif est moins régulé que l’investissement classique. Reste que de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) à l’Alternative Investment Fund Managers Directive (AIFM) en passant par les réglementations classiques de type AML (Anti-Money Laundering), CRS (Common Reporting Standard) ou GDPR (General Data Protection Regulation), les contraintes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses. Collecte, transformation et partage de données… Autant de pratiques qui exercent une forte pression sur les acteurs de l’investissement alternatif et les incitent fortement à digitaliser, à surveiller la qualité de la donnée. La loi évolue vite et les reportings doivent suivre en conséquence. Là encore, seule la mise en place d’une stratégie digitale performante permet de relever ce défi.
Comme sur la dimension ESG, l’enjeu est donc d’apprendre à capturer, traiter et communiquer les données. Automatiser pour gagner en efficacité – et éviter de se perdre – implique le recours à des professionnels capables notamment d’automatiser la production de reportings. Or en la matière, la maturité des acteurs de l’investissement alternatif est aujourd’hui très hétérogène. Clairement, les grandes structures sont en avance sur les chantiers de digitalisation, les plus petites se concentrant sur la gestion opérationnelle quotidienne. Mais nul doute que les besoins vont continuer à croître et les contraintes se complexifier. Pour éviter d’accumuler un retard qui se révélerait toujours plus pénalisant, il est temps pour tous de prendre le train de la digitalisation.
Par Nabil Benhaddou
Président de AssetValue Consulting